La vengeance d'une épouse ne le cède en rien
à celle d'une mère, comme nous le prouve l'histoire
de la princesse russe Olga (945-973), femme d'Igor 1er. Ayant
appris que le grand-duc avait été tué
par traîtrise au combat, elle n'eut plus qu'une idée
en tête : la vengeance !
Peu de temps après, des ambassadeurs ennemis
vinrent lui proposer un nouvel époux pour mettre un
terme à son veuvage. Elle fit emprisonner le prétendant
et précipiter les ambassadeurs dans un puits qu'elle
combla de terre. Sacher-Masoch a fait œuvre d'historien dans
sa nouvelle Les noces sanglantes de Kiev, dans laquelle il
retrace assez fidèlement cette scène:
« ... Le sang du tsar Igor crie vengeance contre vous,
dit la tsarine qui s'était levée, imposante
et terrible. La mort réclame son droit. »
« Elle fit creuser sur les bords du fleuve une fosse
géante. Des centaines de paysans y travaillèrent
jour et nuit. Quand ils eurent fini, on y descendit le navire
et les ambassadeurs, et on les ensevelit. »
Ce premier plan de sa vengeance réalisé,
la reine Olga arma ses troupes et, à leur tête,
fondit par surprise sur ses ennemis qu'elle mit en pièces.
De retour à Kiev elle acheva sa vengeance en s'occupant
du « prétendant » que ses ennemis voulaient
lui imposer. Poursuivant son récit Sacher-Masoch nous
relate les « retrouvailles » :
« La rentrée à Kiev fut un triomphe.
Le peuple vint au-devant de la guerrière avec des cris
d'admiration. Son premier soin fut de s'occuper de Mak, le
meurtrier d'Igor. Il tressaillit en revoyant la jeune femme
dont l'attitude était empreinte d'une sombre majesté.
Vêtue de zibeline, elle était étendue
sur un divan et entourée d'esclaves parmi lesquels
il reconnut les hommes les plus considérables de son
pays.
- Je t'ai promis, commença-t-elle avec un ironique
sourire, un châtiment plus cruel que la mort. La Podolie
vaincue rampe à mes pieds ; ses nobles sont esclaves,
ses villes incendiées ; Iskoretskou n'est plus qu'un
tas de cendres.
- C'est impossible, s'écria Mak atterré.
- Cela est, affirma la tsarine, et ton châtiment sera
de survivre à la honte et à la déchéance
de ta patrie. Tu seras mon esclave, moins encore, une bête
que chacun pourra repousser du pied. Faites ce que j'ai dit
!
Quelques esclaves se saisirent du prince et, à
coups de hache, lui coupèrent les mains et les pieds.
Sa vie durant, le malheureux fut condamné à
ramasser avec la langue les miettes qui tombaient de la table
d'Olga. »
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